LE CIMETIERE DES ELEPHANTS

De Jean Paul DAUMAS

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Fernande arrive dans une pension de famille tout à fait quelconque de la cote du soleil, où vivent Louise, Ada, Chloé et Ludivine.

Ces cinq dames attendent un beau temps qui ne viendra jamais. Alors elles mentent, mêlant passé réel et supposé, se costument de désirs, se masquant d’envies. Elles mentent avec humour et gravité.

LA DISTRIBUTION

Francine ABRY : Ludivine En dehors du théâtre Parts Cœur, elle se produit dans des prestations professionnelles, notamment au T.J.A. depuis plusieurs années. Elle a été dirigée, entre autres par Suzette Guillaud – professeur d’art dramatique à Lyon, Jean Ravier au Théâtrier, Simone Hérard au théâtre d’essais de la Baleine.

Cécile BARDIN : La Mariée. Au Théâtre Parts Cœur depuis trois ans. S’est produite dans « Transport de Femmes » (Charlotte).Rôle repris par Marie Christine MONNET.

Hélène Faure : Ada.

André Rambeau. : Fernande.

Noelle Scotto di Rosato. : Louise.

Marie Claude Villeminot. : Chloé.

Anne sophie BARTHELEMY, Sana LOUBAT, Audreyne CHAMPION, Charlotte LEFEBVRE, C. ECABERT, Isabelle TESSIER, Jérémie BESSON, Adrien MISCOPAIN : Les Enfants.

REALISATIONS DES COSTUMES : Denise LEVEQUE.

Programmes : Gilles Champion et Françoise Brisard.

Conception des decors, costumes et affiche : Philippe GUINI

Peinture des décors : Charles RIOS (Décorateur)

Remerciements à  Daniele SPAGGIA

 

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Photos

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Le mot du metteur en scène Philippe Guini,

« Ce toit tranquille où marchent des colombes

Entre les pins palpite entre les tombes »

 Ainsi commence le Cimetière marin de Paul Valéry. Ce poème de 144 vers est considéré comme l’une des œuvres majeures du poète. C’est la seconde période de « crise » de Valéry « qui entre dans la maturité, dans la gloire et dans la double perfection de la forme et de la pensée.

« Si l’on s’en tient aux déclarations du poète, au contenu manifeste du texte, à la couleur locale, le Cimetière marin, est une méditation sur la vie et la mort en un lieu approprié, un cimetière….

La vie est représentée par le mouvement de la mer, par le déplacement des barques, par le vol des oiseaux, et ceci grâce à trois métaphores, toit pour la surface de l’eau, marche pour la navigation et colombes pour voiles.

Mais dès le second vers cette vie qui palpite est prise en étau entre les pins funéraires et entre les tombes… du cimetière marin, on peut voir en même temps que la mer les toits des premières maisons du port…

Il n’en reste pas moins que la mer niveau zéro de l’altitude est érigée en faîte, en sommet. Sur ce modèle, le poème dérive d’autres sens du mot toit,

La mer est le toit de quelque chose de mystérieux, le marbre est le toit du tombeau, le soleil, le toit de l’univers, la terre, le toit des morts (qui dormez sous la table….) »

Plus loin dans le poème « la mer, la mer, toujours recommencée » l’épuisement et le renouvellement, la mort, la vie.

Le résumé très succinct qui précède est tiré de l’analyse exhaustive que fait D. Anzieu du « cimetière marin. Le « cimetière marin » a sans doute été à l’origine du « Cimetière des éléphants » de J.P.Daumas.

La découverte fortuite du travail de D. Anzieu, investit d’une heureuse cohérence inattendue la stylisation du dispositif scénique qui porte l’action du « Cimetière des éléphants » Cette rencontre du référent conforte a posteriori le sens de la démarche dans l’élaboration du spectacle.

Le cimetière des éléphants est ce lieu de prédilection ancestrale dans lequel le pachyderme escorté par ses congénères dans un étonnant rituel, abandonne sa carcasse peu avant le dernier souffle.

JP Daumas, l’auteur, assimile à la pratique animale le processus humain socialement établi de la pension de famille ou maison de retraite.

Samuel Beckett était parvenu, quant à lui, à la réduction ultime de l’espace temps entre la vie et la mort : « Ce soir, c’est ici ma mère, ici ma tombe… je suis mort et vais naissant c’est ça ma vie…accoucher à cheval sur une tombe…entrer dans la vie, c’est recommencer à mourir… »

Mais la pension de famille, la maison de retraite, ne sont pas irrémédiablement les conditions nécessaires à l’avènement de la fin.

La fable de J.P. Daumas est métaphorique et n’a pas de valeur d’exemplarité. Elle fait néanmoins la démonstration des motivations exemplaires qui assurent la continuité de la vie temporelle, ou qui conduisent  à la démission et à la mort.

Le contexte dans son analogie au cimetière des éléphants en dénonce la relativité, car les conditions qualitatives sont à considérer dans leur différence entre la pension du bord de mer et la maison de retraite ou de personnes âgées en milieu urbain. Mais ce qui s’affirme, c’est le double isolement du groupe dans la société et celui de l’individu, dans le groupe. Dans ce sens, l’isolement de l’éléphant et celui de la pensionnaire est commun.

J.P. Daumas, donne à ce moment suprême de l’existence, toute sa capacité de médiation. C’est au spectateur qu’il conviendra à la lumière des discours et des parcours de chaque personnage, de porter à la fois le regard rétrospectif et prospectif. Ce seuil de l’existence est propice au bilan et éclaire la conscience du spectateur sur la conduite existentielle de l’individu social, du groupe social dont se compose toute société. L’enjeu du cimetière des éléphants, est à tous les égards positif.

Le spectateur ne peut échapper au regard critique de sa propre existence aussi inattendue que ce soit sa situation ente les points N et M qui délimitent les extrémités de l’existence humaine. Paradoxalement cette morale échappe au personnage qui en lui-même le véhicule, car ses propres motivations de survie même quand elles ne sont pas toujours objectivisées, occultent la réalité essentielle de l’existence.

Là se situe notre ressemblance par le fait du temps que nous consacrons prioritairement et majoritairement au superflu.

Se révèlent et s’affirment également au-delà des urgences immédiates et conflits ponctuels, les temps arrêtés de la vie qui se perpétue par la seule dynamique organique.

Un seul des personnages du « cimetière des éléphants », obéissant à ce mobile, induit et implique le contrepoint indispensable à la pérennité de la mort, c’est à dire, la vie. « La mer toujours recommencée… .

C’est une réflexion sur la vie que nous invite le « Cimetière des éléphants », la vie individuelle et collective, spirituelle et sociale.

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Production

Théâtre de la Platte de Lyon du 1er au 5 juin 1993, reprise à la rencontre des troupes CCAS à Avignon Barthelasse de juillet 1993 en présence de l'auteur, puis à la MJC DAMIDOT de Villeurbanne du 25 au 28 janvier 1994, festival PATAF d'Annemasse en avril 1994.

L'auteur Jean Paul DAUMAS à Avignon Barthelasse le 15 juillet 1993.

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Une présentation de la pièce par l'auteur

Claire Maurier qui jouait Ludivine, là où j’avais écrit "Y a-t-il une limite d’age pour être tracassée ?" disait : "Y a-t-il une date limite pour être tracassée ?"… Depuis, je n’ai jamais compris comment je n’avais pas eu cette idée moi-même, tant elle résume bien la pièce.

Ne sommes nous pas tous ni plus ni moins des sortes de gros pots de yaourt posés sur une étagère, qui attendent sagement cette fameuse date limite.

Sagement ?

Oh non ! Pas toujours, parce qu’en attendant, nous jouons pour tromper le temps. Nous jouons à paraître, nous jouons à des personnages, nous jouons à ressembler à cette image que nous croyons discerner dans le miroir de l’ oeil des autres. Nous jouons à nos fantasmes. C’est plus ou moins réussi, mais c’est ce jeu qu’on appelle la vie.

Certains endossent successivement plusieurs rôles, d’autres comme Fernande, sont à jamais prisonniers du costume qui leur a sauté dessus, aucune importance, c’est pareil : la seule chose qui compte est cette foutue date limite, le reste est jeu.

Voilà pourquoi la vie est un théâtre, pourquoi le théâtre est la vie. La vie dans le théâtre, le théâtre dans la vie, le théâtre dans le théâtre, le thème n’est pas encore épuisé, c’est l’un de ceux du « Cimetière des Eléphants ».

(ricanement) Il n’est pas neuf mon bon Monsieur…

 Je sais bien, mais tant pis. Il faut s’y faire, parce que je suis sûr moi qu’il se traitera jusqu’à ce que s’éteigne le dernier projecteur de la dernière scène. Il n’y en a pas d’autre.

Oh là ! vous ne trouvez pas votre propos un peu excessif ?

Certainement. Mais le théâtre va-t-il sans l’excès ? Où serions nous si les Capulet et les Montaigus avaient tentés de s’entendre, ou si Juliette s’était réveillée cinq minutes plus tôt ?

Je n’ai pas encore osé m’attribuer le mot de Claire, mais je ne dis pas que plus tard…Hein ? d’abord je n’aurai pas le cœur de me priver toute ma vie de l’image des pots de yaourts…

Leur avantage sur nous, c’est qu’eux ils l’ont en évidence, tandis que nous, on ne sait pas où elle est écrite cette fichue date limite. Nul ne peut dire je ne suis pas concerné : trop jeune. Il n’y a pas d’âge. Notre date limite à nous ne dépend pas de la date de fabrication.

Mais vous divaguez en plein.

Pas du tout, c’est à vous qui m’avez fait perdre le fil. J’aurais dû retomber sur mes pattes. Attendez…ça y est, j’y suis. Tout ceci pour vous dire qu’il n’y a pas d’âge non plus pour jouer le « Cimetière des Eléphants » et que je suis toujours ravi de voir des jeunes s’y attaquer. Je trouve leurs spectacle plus émouvants, plus sincères. Ils donnent au texte un coté « universel ».

Je veux donc souhaiter bonne chance au « Théâtre Parts Cœur » dont j’ai eu l’occasion d’apprécier l’enthousiasme et la ténacité.

Excusez-moi encore une fois, mais au théâtre cela se fait habituellement avec grossièreté.

Eh bien, c’est de tout cœur.

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Une lettre de Jean Paul Daumas

 

Nice, le 21 Décembre 1993 

J’ai eu l’occasion de voir, cet été en Avignon, la version du « Cimetière de Eléphants » qu’a donné la Compagnie « Parts – Cœur ».

Je dois dire que j’ai été impressionné par le travail que ces « Amateurs » ont réalisé sous la direction de Philippe Guini ; un travail de professionnels et surtout de passionnés.

Pas de fausses notes dans la distribution, le rythme, la tenue de scène ; des images inspirées par le sens profond du texte, de belles images, bien organisées , bien cadrées, et puis des symboles un peu baroques qui sautent de scènes en scènes, les accompagnent et les prolongent.

Certains pourront être choqués par cette vision des choses, moi je l’ai aimée.

Le «  Cimetière….. » dans mon esprit est une pièce surréaliste, peu de personnes l’ont compris, la Troupe de « Parts-Cœur » oui. Je les en remercie.

 Avec tous mes vœux pour leur réussite.

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